Villers-sur-Mer : Sauvons la liberté de collecte des fossiles !
La création d’une réserve naturelle nationale sur le site du Paléospace de Villers-sur-Mer pourrait entraîner l’interdiction de collecte des fossiles par les amateurs. Une décision qui menace l’existence de ce « berceau de la paléontologie française », alerte dans une tribune au « Monde » un collectif de paléontologues, d’universitaires et d’enseignants.
En France, la collecte des fossiles par des amateurs est une pratique ancestrale. C’est cette pratique qui a permis le développement de la paléontologie en France, au XVIIIe siècle, notamment grâce aux fossiles récoltés au pied des falaises des Vaches noires, à Villers-sur-Mer, en Normandie. C’est, d’ailleurs, à Villers-sur-Mer (Calvados) qu’a été découvert le premier dinosaure français.
C’est aussi là qu’a été créé, en 2011, un Musée de France qui fédère désormais les plus grands noms scientifiques de la paléontologie française, aussi bien que les collectionneurs amateurs et les habitants : le Paléospace. Un musée dont le succès s’est à nouveau confirmé en 2023, avec 71 288 visiteurs annuels, en progression de 5 %. Cette réussite exceptionnelle, qui unit paléontologues, amateurs et habitants, au service de la science, est pourtant menacée.
L’Etat souhaite, en effet, mettre en place sur le site une réserve naturelle nationale (RNN). Ce projet est louable et nécessaire. Mais le problème est que le Conseil national de protection de la nature (CNPN) et le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Normandie (CSRPN) ont demandé, et obtenu, qu’il prévoit une interdiction de la collecte des fossiles par des amateurs.
Des bénévoles au service de la recherche
Aucun paléontologue n’a été consulté. Sinon, il aurait pu expliquer que, contrairement aux autres RNN qui sont actuellement mises en place en France, le site des Vaches noires présente la spécificité d’être en front de mer. Il subit donc en permanence les assauts des marées et de l’érosion. Il faut savoir qu’au total 450 000 tonnes de sédiments se déversent chaque année sur l’estran. Dans ces conditions, si les fossiles ne sont pas rapidement collectés, la grande diversité de la faune et de la flore du Jurassique est emportée par la marée et définitivement perdue. Les paléontologues n’ont absolument pas les moyens de gérer un tel flux, sans l’aide des collectionneurs amateurs.
Comme l’atteste un exemple récent. Le 3 décembre 2023, une collectionneuse a découvert un crâne de poisson, bien conservé et inédit, sur le site des Vaches noires. Pour sauvegarder le reste de ce précieux fossile, il lui a fallu agir vite et alerter d’autres amateurs, pour qu’ils viennent en renfort. Le résultat a dépassé toutes nos espérances : trois autres parties du corps du poisson ont été retrouvées. Le spécimen a ensuite rejoint les collections du musée, permettant aux visiteurs d’en bénéficier. Une étude est prévue…