« En école privée non mixte, on nous enseignait l’abstinence et la peur des garçons »

 

 

JohnnyGreig / Getty Images « On nous donnait l’impression qu’il fallait à tout prix éviter tout type de relation avec un homme »

Dans les années 2000, Juliette* a été scolarisée dans l’un des rares collèges privés non mixtes de France. Elle raconte les injonctions à l’abstinence et l’éducation sexuelle conservatrice.

Je suis née de parents catholiques non pratiquants, dans un milieu plutôt bourgeois. Dans les années 2000, après la primaire, mes sœurs et moi-même avons été scolarisées dans un des rares collèges catholiques non mixtes de France, sur le souhait de nos parents.

Je pense qu’ils voulaient nous permettre de vivre notre puberté loin du regard des garçons et qu’ils tenaient à nous offrir une éducation religieuse. En sixième et en cinquième, j’ai apprécié l’ambiance qui y régnait. Par exemple, nous étions nombreuses à avoir nos règles pour la première fois et je trouvais agréable de pouvoir en parler entre filles. C’est à partir de la quatrième que les choses ont changé, et que l’atmosphère est devenue bien plus pesante.

« Ne regardez surtout pas, il y a des hommes autour »

En quatrième, j’avais 13 ans. Nous avions cours dans un bâtiment partagé avec le lycée de l’établissement qui, lui, était mixte (même si les classes étaient majoritairement féminines). J’ai rapidement ressenti le poids du conservatisme, et la manière dont le personnel diabolisait les relations entre hommes et femmes.

La première semaine, en nous faisant visiter le bâtiment, l’une de nos responsables pédagogiques nous a fait traverser le couloir des secondes et nous a averties immédiatement : « Mesdemoiselles, ne regardez surtout pas ! Il y a des hommes autour. » Comme si c’était dangereux de regarder un homme !
Tenue « convenable » exigée

Je me souviens qu’un jour, au lieu d’un cours d’éducation civique, on nous a distribué un dessin de petite fille et on nous a demandé de lui dessiner des vêtements « convenables ». Quand j’ai demandé des explications, on m’a répondu « Pas de short, pas de jupe au-dessus du genou ». Récalcitrante, j’ai montré ma voisine, qui portait un short long et des gros collants en laine pour dire « Mais regardez, elle est convenable ! »

En réponse, la responsable m’a félicitée d’avoir dénoncé ma camarade, et lui a fait porter une blouse de physique-chimie toute la journée. C’était la punition, en cas de tenue « pas convenable ». Nous n’avions pas le droit de nous habiller tout en noir (« c’est gothique »), pas le droit de trop nous maquiller. Les règles sur notre apparence étaient très nombreuses et petit à petit, j’ai eu la sensation d’un appareil coercitif qui se resserrait autour de nous et qui était très anxiogène.
L’abstinence pour mot d’ordre

En plus des remarques sur nos vêtements, la question de l’éducation sexuelle a commencé à être abordée par le personnel de l’établissement, constitué de catholiques consacrées ayant fait vœu de célibat. Au catéchisme, nous avons rencontré des prêtres qui prêchaient l’abstinence, et lors des cours non-religieux, on nous en parlait beaucoup.

La directrice de l’école nous a raconté comment elle avait choisi la vie de consacrée et nous a fait le récit de sa jeunesse durant laquelle elle empêchait ses amies de rentrer de boîte de nuit avec des garçons « parce que c’était mal pour elles ». Elle mimait parfois la manière dont elle avait repoussé ses prétendants en leur disant qu’elle était fiancée à Jésus.

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*Le prénom a été modifié

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