les dernières heures du soldat Barrillon dans le Cimetière des fous d’Évreux
Réhabilité à titre posthume, le militaire a été exhumé ce vendredi du cimetière de l’hôpital psychiatrique pour rejoindre le carré militaire de Saint-Louis. Yvan Barbieri, qui représentait la famille du soldat, a pu assister à l’opération d’une extrême minutie.
« La première fois que j’ai parlé avec Josiane, elle était en larmes », se souvient Yvan Barbieri. Cet ancien photojournaliste, passionné d’histoire et très investi dans la question du devoir de mémoire, représentait ce vendredi 1er mars Josiane Allier, arrière-petite-fille de Séraphin Barrillon, qui se battait depuis 2022 pour que son aïeul puisse reposer « avec ses frères d’armes ».
Un combat de longue haleine pour lequel s’est mobilisée toute une équipe, et notamment Anaïs Poitou, étudiante et membre de l’association Urgence patrimoine à Évreux, à qui l’on doit le recensement le plus approfondi des habitants du Cimetière de l’hôpital psychiatrique de Navarre, qui seront prochainement exhumés avant que le cimetière ne soit partiellement enseveli sous les remblais de la déviation nouvelle.
Fait prisonnier lors de la bataille du 8 août 1914
Car le soldat dit Adrien Barillon, de son vrai nom Séraphin Barrillon, avait contracté la malaria lors de son service à Madagascar entre 1898 et 1901. Il avait grimpé les échelons tout au long de sa carrière avant de succomber le 8 mars 1920, et sa tombe, au milieu des simples croix de bois du Cimetière des fous, était ornée d’une dalle ciselée munie de la mention « Mort pour la France ». « Mais cette mention ne figurait pas sur son acte de décès », précise Yvan Barbieri.
« Barrillon n’était pas un indigent. Ancien lieutenant de réserve, il avait été nommé commissaire aux écritures pour l’hôpital psychiatrique de Navarre en 1911 avant, en 1914, d’être fait prisonnier lors de la bataille du 8 août 1914 comme tout son régiment. » Après de nombreuses démarches de sa descendante Josiane, accompagnée d’Yvan, d’Anaïs Poitou et d’autres personnes investies pour conserver la mémoire des lieux, le soldat Barrillon avait finalement obtenu la précieuse mention en décembre dernier, l’autorisant à reposer dans le carré militaire, non loin des soldats morts pendant la Première Guerre mondiale.
« Un exemple pour les militaires qui n’ont pas été reconnus »
Ce vendredi 1er mars, c’est à huis clos que sa sépulture est délicatement fouillée. « L’archéologue responsable des fouilles, Anne-Sophie Vigot, m’a demandé si elle pouvait photographier chaque ossement retrouvé pour les intégrer dans les recherches qui sont menées sur le Cimetière des fous », raconte-t-il. « Les services funéraires comme les archéologues ont été très précis et minutieux, très respectueux du reliquaire ». Le photojournaliste, lui, documente la scène pour la famille du défunt, mais aura interdiction par la mairie de diffuser la moindre image dans la presse.
« Puis sa dépouille a été placée dans un petit cercueil, pas plus grand que ça, raconte Yvan en écartant à peine les bras, et le tout inhumé dans le carré militaire. On a fait une minute de silence et je dois dire que c’était très émouvant. À force de m’être investi dans cette affaire, j’ai l’impression qu’il fait partie de ma famille ».